Histoire de dire un peu plus intelligent que "la guerre c'est pas bien":
Dix soldats français viennent de mourir en Afghanistan, ce qui porte le total des pertes officielles à 26 tués (les pertes réelles sont probablement plus élevées, l’armée française ne communiquant pratiquement pas sur les opérations des forces spéciales). Cette tuerie a brutalement mis sous les feux de l’actualité une guerre jusque là presque oubliée, livrée depuis maintenant sept ans par nos soldats, dans un pays qui n’a historiquement jamais fait partie de notre zone d’influence. Soudain, l'opinion s’est rendu compte que l’armée française livrait bataille, que des milliers de nos soldats étaient engagés, et qu’il s’agissait d’une vraie guerre, qui engendrerait de vraies pertes.
Il n’est donc pas inutile de revenir sur les conditions d’engagement de la France dans ce conflit. Pour adopter la bonne attitude sur le plan politique, il faut en l’occurrence se pencher sur le détail d’un affrontement complexe, à l’égard duquel il faudra nous garder de toute prise de position à l’emporte-pièce.
La raison officielle du conflit en cours est l’asile octroyé par les Talibans à Oussama Ben Laden, asile qu’ils auraient, aux dires des Américains, garanti à l’intéressé y compris après les attentats du 11 septembre. Il semble extrêmement probable que cette raison officielle ne soit qu’un prétexte. Les Talibans ont été soutenus pendant les années 90 par les services spéciaux pakistanais, alors alliés des Américains. Lorsqu’ils s’emparèrent du pays, ce fut avec l’aval tacite des USA. Or, à cette date, les Américains savaient parfaitement que les Talibans, musulmans sunnites fondamentalistes, financés par les réseaux salafistes saoudiens, entretenaient des liens étroits avec la nébuleuse Al-Kaïda. On a du mal à croire que les services américains, après avoir financé et soutenu un mouvement qui se revendiquait ouvertement du Jihad anti-occidental, aient brutalement découvert, le 11 septembre 2001, le caractère anti-américain de ce mouvement. Ce scénario paraît tout simplement absurde.
En réalité, le scénario le plus crédible ramène le conflit aux véritables enjeux stratégiques de la région : à savoir principalement le pétrole (37 % de l’énergie utilisée dans le monde) du Moyen Orient (60 % des réserves mondiales prouvées), et secondairement le gaz naturel (24 % de l’énergie utilisée dans le monde) d’Asie Centrale (15 % des réserves mondiales prouvées) et, à nouveau, du Moyen Orient (35 %). L'Afghanistan est frontalier du Turkménistan et de l'Ouzbékistan (12 % des réserves mondiales de gaz naturel), et de l’'Iran, position clef pour assurer le contrôle des réserves énergétiques du Golfe Persique par l’Occident. L’Afghanistan est donc, pour les USA, une case centrale du « grand échiquier » eurasiatique. Contrôler l’Afghanistan, c’est indirectement contrôler, ou en tout cas se mettre en mesure de contrôler, environ 60 % des réserves mondiales d’hydrocarbure, et partant, à peu près 35 % de l’énergie disponible dans le monde, sur la base des consommations énergétiques actuelles. C’est un levier stratégique formidable – le seul, à vrai dire, sur lequel l’empire US puisse espérer jouer, dans les deux décennies qui viennent, pour freiner la montée en puissance de la Chine, et ainsi éviter de perdre à long terme le leadership mondial.
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