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 Opérations de maintien de l'ordre en Algérie

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MessageSujet: Opérations de maintien de l'ordre en Algérie   Opérations de maintien de l'ordre en Algérie EmptyMer 3 Oct - 17:18

La torture pendant la guerre d'Algérie a été pratiquée par les forces coloniales et par les indépendantistes. La torture policière existait déjà largement en Algérie avant l’insurrection de 1954, comme en témoigne la mise en garde lancée, dès cette date, par l'écrivain François Mauriac. L’armée y a eu largement recours pendant la « bataille d’Alger », qui fut, en 1957, un « point de non-retour » à cet égard. Mais le passage à une guerre totale et à la systématisation de la torture correspond, à l’arrivée à la tête de l’état-major d’Alger du général Salan en décembre 1956.

Depuis la conquête coloniale (1830) la torture est un procédé courant des forces de l'ordre en Algérie qui l'utilisent pour terroriser les populations autochtones. Cette pratique qui a été utilisée tout au long de la présence coloniale en Algérie, d'abord pour obtenir des informations sur les emplacements de silos à grains lors de la conquête coloniale, puis pour briser les grèves, meurtrir des suspects, instruire les affaires pénales les plus ordinaires et terroriser les indigènes s'inscrivait avant tout dans une démarche de haine et de déshumanisation.
En 1951, Claude Bourdet avait dénoncé ces pratiques avec force: « Y a-t-il une Gestapo en Algérie ? » . Avec la guerre d'Algérie ces pratiques deviennent encore plus sytématiques. Dès le premier jour du conflit, François Mauriac, lance un appel qui ne sera pas entendu : « Surtout, ne pas torturer ». Déjà, pendant la guerre d'Indochine, la torture avait été employée.
L'appelé du contingent Benoist Rey explique qu’« à la ferme Ameziane, Centre de Renseignement et d'Action (C.R.A.) de Constantine, elle se pratique à l'échelle quasi industrielle. C'est à la ferme Ameziane que sont conduits tous les suspects pris par les unités de l'Est algérien. L'arrestation des « suspects » se fait par rafles, sur renseignements, dénonciation, pour de simples contrôles d'identité. Un séjour s'effectue dans les conditions suivantes : à leur arrivée à la « ferme », ils sont séparés en deux groupes distincts : ceux qui doivent être interrogés immédiatement et ceux qui « attendront », à tous on fait visiter les lieux et notamment les salles de tortures « en activité » : électricité (gégène), supplice de l'eau, cellules, pendaisons, etc. Ceux qui doivent attendre sont ensuite parqués et entassés dans les anciennes écuries aménagées où il ne leur sera donné aucune nourriture pendant deux à huit jours, et quelquefois plus encore.
Les interrogatoires, conduits conformément aux prescriptions du guide provisoire de l'Officier de Renseignement (O.R.), chapitre IV, sont menés systématiquement de la manière suivante: Dans un premier temps, l'O.R. pose ses questions sous la forme « traditionnelle » en les accompagnant de coups de poing et de pied: l'agent provocateur, ou l'indicateur, est souvent utilisé au préalable pour des accusations précises et préfabriquées. Ce genre d'interrogatoire peut être renouvelé. On passe ensuite à la torture proprement dite, à savoir: la pendaison, le supplice de l'eau, l'électricité (électrodes fixées aux oreilles, aux doigts, aux parties génitales, sur les tétons) brûlures (cigarettes, etc.) Les cas de folies sont fréquents, les traces, cicatrices, suites et conséquences sont durables, certaines même permanentes (troubles nerveux par exemple) et donc aisément décelables. Plusieurs suspects sont morts chez eux le lendemain de leur retour de la "ferme".
Les interrogatoires-supplices sont souvent repris à plusieurs jours d'intervalle. Entre-temps, les suspects sont emprisonnés sans nourriture dans des cellules dont certaines ne permettent pas de s'allonger. Précisons qu'il y a parmi eux de très jeunes adolescents et des vieillards de 75, 80 ans et plus. À l'issue des interrogatoires et de l'emprisonnement à la ferme, le « suspect » peut être: libéré (c'est souvent le cas des femmes et de ceux qui peuvent payer) ou interné dans un centre dit « d'hébergement » ou encore considéré comme « disparu » (lorsqu'il est mort des suites de l'interrogatoire ou abattu en "corvée de bois" aux environs de la ville.)
Les « interrogatoires » sont conduits et exécutés par des officiers, sous-officiers ou membre des services du C.R.A." Les chiffres - car il y en a - sont éloquents : La capacité du "centre" entré en activité en 1957, est de 500 à 600 personnes, et il paraît fonctionner à plein rendement en permanence. Depuis sa constitution il a "controlé" (moins de huit jours de prison) 108 175 personnes, fiché 11 518 Algériens comme militants nationalistes sur le secteur, gardé pour des séjours de plus de huit jours 7 363 personnes; interné au Hamma 789 suspects."
Deux documents sont particulièrement révélateurs de la systématisation de la torture. Le 1er juillet 1955 - soit un mois et demi avant l’insurrection du Constantinois du 20 août, considérée par de nombreux historiens comme le vrai début de la guerre d’Algérie - un texte contresigné par le ministre de l’intérieur de l’époque, M. Bourgès-Maunoury, et le ministre de la défense nationale, le général Koenig, était diffusé dans tous les régiments français d’Algérie. Cette « instruction n° 11 », qui a recueilli « la pleine adhésion du gouvernement », stipule que « la lutte doit être plus policière que militaire (…) Le feu doit être ouvert sur tout suspect qui tente de s’enfuir (…) Les moyens les plus brutaux doivent être employés sans délai (…) Il faut rechercher le succès par tous les moyens. » Autre découverte : un texte du 3 août 1955, signé par le même général Koenig, mais aussi par le ministre de la justice, Robert Schuman. Il précise la conduite à tenir en cas de plaintes faisant suite à « de prétendues infractions » attribuées aux forces de l’ordre : « une action supprimant la responsabilité pénale de ses auteurs (…) sera suivie d’un refus d’informer ( …) Les plaintes devront faire l’objet d’un classement sans suite, dès lors qu’il apparaîtra incontestable que ces faits sont justifiés par les circonstances, la nécessité, ou l’ordre de la loi. » En d’autres termes, le pouvoir civil assurait d’avance aux militaires l’impunité pour les dépassements qu’il exigeait d’eux. Et cela, deux ans avant la « bataille d’Alger », supposée avoir constitué le tournant en matière d’exactions.
Le 10 février 1957, le général Massu, à la tête de la dixième Division parachutiste à Alger, qui n'ignore pas en outre que des ouvriers catholiques ont pris les armes aux cotés du FLN fait diffuser les « Réflexions d'un prêtre sur le terrorisme urbain » du père Delarue, aumônier de la division, dans lequel, sous certaines conditions, il tente de justifier la torture. Une partie de l'opinion publique s'offusque, et les milieux catholiques s’indignent lorsque le texte est finalement révélé dans la presse en juin 1957.
Robert Bonnaud publie en avril 1957 dans la revue Esprit son propre témoignage de soldat « C’est une chose atroce de tuer nuitamment la famille d’un fermier de la Mitidja, ou de mitrailler la foule des promeneurs dominicaux dans une rue de Bône. Mais c’est une chose incommensurablement plus atroce de fonder sur des dizaines de milliers de cadavres périodiquement rafraîchis un régime d’abjection que huit millions d’Africains vomissent. La majorité africaine ou ses défenseurs emploient depuis 1954 les procédés de la terreur de masse contre la minorité européenne. Mais il est bon de se souvenir que depuis 1830 les procédés de la terreur de masse sont employés par la minorité européenne et ses défenseurs contre la majorité africaine. Priorité dans l’horreur. « Que messieurs les terroristes européens commencent. » Commencent à sacrifier des privilèges qui n’ont pu s’établir et ne sont protégés que par des bains de sang épisodiques et une oppression permanente. »
Le colonel Trinquier explique en ces termes la prétendue nécessité de la torture: « Le terroriste est devenu le soldat de la guerre révolutionnaire comme l'artilleur, le fantassin ou l'aviateur de la guerre conventionnelle. Le soldat admet la souffrance physique et la mort comme inhérente à son état. Pour avoir les mêmes droits, le terroriste doit accepter les mêmes risques. Or il les refuse. C'est un tricheur. Qui sera interrogé sur son organisation plus que sur ses actions. S'il donne les renseignements - ce qui est le cas en général - l'interrogatoire sera terminé. Sinon, ils lui seront arrachés par les moyens appropriés. Comme le soldat, il devra affronter la souffrance et peut-être la mort. Il doit l'accepter comme la conséquence de l'emploi des armes de guerre qu'il a choisies. »
Dans son documentaire "Ennemi intime" Patrick Rotman explique que "Comme Trinquier les officiers qui ont participé à la bataille d'Alger avancent le cas du poseur de bombe qu'il faut faire parler à tout prix pour sauver des vies. Cette urgence justifie à leurs yeux la torture mais les milliers de suspects arrêtés et interrogés n'étaient pas tous des poseurs de bombes loin de là. Les militaires savent que sur cent personnes embarquées dans la Casbah, trois, cinq ou dix sont sympathisants du FLN : il suffit de les trouver, pour cela tout le monde doit parler. Dans la réalité de l'action les paras torturent pour arracher des renseignements qui permettront de remonter des filières: Trinquier est un adepte de cette pêche au filet". Patrick Rotman note que "dans tous les régiments para la torture est pratiquée : il faut que le suspect parle et parle vite, l'argument invoqué est celui de l'efficacité qu'expose le colonel Trinquier spécialiste de la guerre subversive"
"Si l’honneur de la France ne peut aller avec ces tortures, alors la France est un pays sans honneur" explique Robert Bonnaud, "Un petit nombre de Français a été torturé ignoblement en Oranie, et des centaines d’Algériens le sont partout chaque jour. Et l’habitude de torturer, sinon les méthodes de torture, ne date pas de l’été 56 ni même de novembre 54. Elle date du moment où il y a eu en Algérie des indigènes et des forces de l’ordre, des bicots et des flics." Il analyse en ces termes la sublimation et la rhétorique justificatrice qui porte les militaires à commettre de tels actes : "Histoire absurde, sadisme gratuit ? Non. Dans ce pays, l’énorme majorité des suspects, et aussi de ceux qui ne le sont pas, aident réellement les patriotes, ne serait-ce que par leur silence. On ne court pas grand risque, par des tortures ou des brimades intempestives, de se mettre à dos la population : le peuple algérien a perdu confiance en notre faux libéralisme et nos promesses menteuses. Les gendarmes de Guentis, comme tous les pacificateurs de quelque expérience, partaient du point de vue qu’on ne saurait être Algérien innocemment. Le déchaînement de brutalité perverse dont ils nous donnaient l’exemple, exemple parfois suivi hélas, dérivait de cette constatation élémentaire, de l’exaspération aussi et du sentiment d’impuissance. Il faut savoir ce que l’on veut. Le maintien de notre domination a exigé, exige, exigera des tortures de plus en plus épouvantables, des exactions de plus en plus générales, des tueries de plus en plus indistinctes. Il n’y a pas d’Algérien innocent du désir de dignité humaine, du désir d’émancipation collective, du désir de liberté nationale. Il n’y a pas de suspect arrêté à tort et torturé par erreur."
Le 5 janvier 1960, le journal Le Monde publie un résumé du rapport d'une mission effectuée en Algérie par le CICR. « De nombreux cas de sévices et de torture sont toujours signalés », relève l'article. « En métropole, la torture n'atteint pas la même ampleur qu'en Algérie. Elle n'en demeure pas moins sur les deux rives, une pratique tolérée par les autorités et une violence à laquelle les Algériens savent pouvoir s'attendre.»

La torture en Algérie fut évoquée, entre autres, par le chef militaire d'Alger, le général Jacques Massu dans son ouvrage La vraie bataille d'Alger publié en 1972.
En 2000, lors d'un entretien donné au quotidien Le Monde du 21 juin 2000, il déclara que « le principe de la torture était accepté ; cette action, assurément répréhensible, était couverte, voire ordonnée, par les autorités civiles, qui étaient parfaitement au courant ». Il ajoute : « J'ai dit et reconnu que la torture avait été généralisée en Algérie. On aurait dû faire autrement, c'est surtout à cela que je pense. Mais quoi, comment? Je ne sais pas. Il aurait fallu chercher; tenter de trouver. On n'a malheureusement pas réussi, ni Salan, ni Allard, ni moi, ni personne. ». Cette déclaration fait écho à l'accusation de Lila Ighilahriz, militante algérienne torturée en 1957 à Alger, devenue psychologue. En 2000, elle accusa le général Massu, et le général (colonel à l'époque) Bigeard, d'avoir laissé le champ libre à la torture en Algérie. Massu le reconnut, mais Bigeard réfuta l'accusation. Selon Louisette Ighilahriz, "Massu ne pouvait plus nier l'évidence"
Selon les récentes interview d'un officier français, Paul Aussaresses qui ne regrette rien, le général Massu était au courant chaque jour, de la liste des prisonniers passés à la question, ainsi que des « accidents » de parcours. Poursuivi par la Ligue des Droits de l'Homme pour "apologie de crimes de guerre", Aussaresses a été condamné à 7 500 euros d'amende par la 17ème chambre correctionnel du TGI de Paris, les éditeurs Plon et Perrin ont été condamnés à 15 000 euros d'amende chacun s'agissant du livre "Services spéciaux, Algérie 1955-1957 : Mon témoignage sur la torture". Ce jugement a été confirmé en appel en avril 2003. La cour de cassation a rejeté le pourvoi en décembre 2004. En effet, le général justifiait à plusieurs reprises dans ce livre l'emploi de la torture qui permettrait de sauver des vies innocentes en poussant les terroristes présumés à révéler les détails de leurs projets et leurs complices. Le président de la République a demandé que soit retiré à l'officier sa légion d'honneur en condamnant ses propos inadmissibles. En revanche, le général Aussaresses avait fait l'objet de plaintes pour les crimes de tortures qu'il avait reconnus dans son livre. Une autre procédure avait été ouverte mais la Cour de Cassation a rejeté, les poursuites intentées contre le général pour les crimes de tortures eux-mêmes, prescrits et amnistiés au mépris du droit international qui consacre la notion de jus cogens en matière de repression et d'imprescriptibilité des faits dont il est question (Article 53 de la Convention de Vienne).
Louisette Ighilahriz est l'auteur du livre "Algérienne" aux éditions Fayard, elle est allée en justice défendre sa probité contre ceux qui mettaient en cause son témoignages et a gagné ses procès en diffamations. Le général Maurice Schmitt a ainsi été condamné pénalement.
Un article paru dans El Watan rappelle que "Florence Beaugé, appelée à témoigner en faveur de Mme Ighilahriz, a, pour corroborer les affirmations de celle-ci, évoqué le témoignage d’un ancien appelé, Raymond Cloarec, qu’elle cite dans son ouvrage. Non seulement l’ancien soldat, avec lequel elle a eu plusieurs entretiens téléphoniques, confirme les propos de Louisette Ighilahriz, mais il fait aussi état des pressions du général Schmitt pour le faire taire."
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MessageSujet: Re: Opérations de maintien de l'ordre en Algérie   Opérations de maintien de l'ordre en Algérie EmptyMer 3 Oct - 17:21

Dès 1949, le gouverneur général Naegelen rédige une circulaire interdisant l'usage de la torture et des sévices par les services de police, mais ne parvient pas à se faire obéir.
Le 20 janvier 1955, Pierre Mendès France et François Mitterrand fusionnent les polices d'Algérie et de Métropole, mettant fin à l'autonomie de la police algérienne. Des dizaines de policiers soupçonnés de pratiquer, d'encourager, ou de cautionner la torture sont mutés en Métropole. Le gouvernement Mendès France est renversé dès le 5 février, les députés radicaux d'Algérie ayant voté la censure. Selon F. Mitterrand alors ministre de l'intérieur, le gouvernement a été renversé pour avoir lutté contre « ce système détestable ».
Dès le 6 avril 1956, Guy Mollet demande au comité international de la Croix-Rouge d'envoyer une mission en Algérie pour enquêter sur les conditions de vie des militants du FLN détenus par les autorités françaises. En octobre 1956, il rencontre Hubert Beuve-Méry et lui demande des précisions sur les accusations de torture pratiquées par certains soldats. Le directeur du Monde lui ayant remis un dossier d'une vingtaine de feuilles, Guy Mollet écrit à Robert Lacoste, lequel lui répond que des sanctions ont été prises chaque fois que des exactions ont pu être prouvées (jusqu'à soixante jours d'arrêts de forteresse), et que les accusations relayées par Beuve-Méry sont presque toutes mensongères. De nouveaux rapports lui étant remis (l'un de la Croix Rouge, l'autre de Jean Mairey, directeur de la Sûreté nationale), et certains journaux multipliant les accusations, le gouvernement Mollet crée une « commission permanente de sauvegarde des droits et libertés individuels », dirigée par Pierre Béteille, conseiller à la Cour de cassation, en avril 1957. Aucun parlementaire n'en est membre, les députés et sénateurs étant accusés de partialité, et la commission est entièrement libre de son organisation. La pratique de la torture ne cesse pas, mais plusieurs sanctions disciplinaires sont prises, plusieurs procédures judiciaires sont entamées contre des tortionnaires présumés, et plusieurs centaines de personnes internées sont libérées. Enfin, Guy Mollet autorise la Commission internationale contre le régime concentrationnaire à diligenter une enquête. Celle-ci conclut, en juillet 1957, qu'au cours du mois d'avril, la torture semble avoir diminué, et que les conditions de vie dans les camps d'hébergement sont globalement satisfaisantes. Ces enquêtes ont été largement brocardées pour leur ridicule. De 1959 à 1961, Edmond Michelet, ministre de la Justice, s'efforce à son tour de « lutter » contre la torture. Mais Michel Debré, Premier ministre, obtient finalement du général de Gaulle, président de la République, qu'Edmond Michelet quitte ses fonctions, ce qui libère la brutalité policière. À Paris, le préfet Maurice Papon qui avait eu d'importantes responsabilités dans le constantinois, fait venir des harkis qui ont déjà fait leurs preuves.
Des lois d'amnisties ont été promulguées après la guerre, mais la torture en tant que crime contre l'humanité est imprescriptible et insusceptible d'amnistie si l'on s'en tient au droit international. Dans un arrêt du 18 juin 2003 La Cour de cassation française considère qu'il n'y a pas eu de crime contre l'humanité pendant la guerre d'Algérie, écartant la possibilité de poursuites contre le général Paul Aussaresses. Cette jurisprudence actuelle bien qu'elle ne nie pas à proprement parlé la torture ni la qualification de crime contre l'humanité au sens du code pénal actuel entré en vigueur le 1er mars 1994 considère les faits intervenus pendant la Guerre d'Algérie insusceptibles de revetir la qualification de crime contre l'humanité tel que le droit français le caractérisait à cette époque, puisqu'il ne visait que les puissances de l'Axe, les faits se sont produits avant l'entrée en vigueur du nouveau code pénal qui consacre la définition actuelle et cela assure dès lors l'impunité des tortionnaires. En effet pour la Cour de Cassation, dès lors que les événements sont antérieurs au 1er mars 1994, seuls les faits commis par les puissances de l'Axe sont susceptibles de revêtir la qualification de crime contre l'humanité, cela fait ainsi obstacle à la condamnation des tortionnaires et de leurs complices en dépit des normes imperatives de droit international qui ont pourtant vocation à s'appliquer. La doctrine se montre très critique et des associations de défense des droits de l'homme comme la FIDH demandent bien évidemment un revirement.

En 1982, l'OAS a été réhabilitée au contraire du général de Bolardière qui avait été sanctionné en son temps pour avoir dénoncé la torture. Il fut à l'époque le seul officier français à le faire, ce qui lui valu jusqu'à soixante jours d'arrêts de forteresse... L'OAS est une organisation terroriste qui n'a jamais hésité à recourir à la torture pour asseoir ses pratiques de terreur. Ses membres ont néanmoins également été victimes de torture de la part du régime gaulliste. Les tortures perpétrées par les barbouzes étaient psychologiques et surtout physiques. Coups, étranglements, électricité, ongles arrachés, yeux crevés, brulures, sont le lot d'horreurs quotidien qu'ont à subir les prisonniers. Ils préfèreront au verbe torturer celui de « triturer ». Les tortionnaires utilisaient la « chaise électrique », fauteuil dont le dossier et le siège étaient remplacés par deux ressors à boudin et un treillis métallique. Le courant était ensuite branché entre le siège et le dossier et réglée sur 110, 220 volts, et pouvait aller jusqu'à 500 volts.
Henri Vincent arrêté le 27 janvier 1962 vers 20h30, a été emmené à El Biar par les barbouzes. Remis à la Police légale de Hussein Dey il fut examiné par les médecins Henri de Jolinière et Maurice Bourhy qui constatèrent et certifièrent les tortures subies. L'affaire Petijean a été trés mediatisée à l'époque, cet ingéneiur a été torturé puis assassiné par les barbouzes. On peut cependant lire une déclaration de M. Mestre, à l'époque porte-parole de la Délégation Générale, aujourd'hui ancien ministre : « Il est possible que M. Petitjean ait été victime d'un règlement de comptes au sein de l'O.A.S. ».
Cependant la torture contre l'OAS ou les partisans de l'« Algérie française » ne fut pas une spécialité unique des barbouzes : les gendarmes du colonel Debrosse, les gardes mobiles à l'école de Police d'Hussein Dey, les policiers de la mission « C » dans la fameuse caserne des « Tagarins » se sont également rendus coupables de crimes de guerre.

De son coté, l'ALN (bras armé du FLN) employa des méthodes semblables : supplétifs musulmans ou civils des mechtas fidèles à la France égorgés, émasculés, femmes éventrées, massacre du douar de Melouza (300 personnes)...
Les tortures visaient à entretenir un climat de terreur. Le numéro spécial N°61 de 1957 de la revue Algérie Médicale, organe officiel de la société médicale des hôpitaux d'Alger et de la Fédération des Sciences médicales de l'Afrique du Nord, présente les efforts du corps médical français en Algérie pour réparer les mutilations faites au visage contre les Musulmans n'ayant pas suivi les consignes du FLN. D'après les sources militaires françaises de 1954 au 19 mars 1962 il y eu 16 378 musulmans tués par le FLN et 13 296 disparus. En 1962, s'y sont ajoutés des dizaines de milliers de Harkis tués après avoir été désarmés et abandonnés par l'armée française.
L'ancien appelé du contingent Benoist Rey dans son ouvrage Les Égorgeurs semble estimer le nombre de victimes de l'ALN très inférieur et sans commune mesure avec celui des victimes torturées par l'armée française, par l'administration coloniale et leurs partisans. Sur ce point les historiens, à l'unanimité, lui donnent raison : il y a eu davantage de tortures perpétrés par les autorités françaises durant la guerre d'Algérie que par les révolutionnaires algériens. Le centre de torture de Constantine où le nombre de personnes interrogées dépasse largement les 100 000 algériens, totalise à lui seul davantage de tortures que les indépendantistes.
L'historien Guy Pervillé explique à ce propos que même si l'on ajoute aux crimes perpétrés pendant la guerre les massacres de harkis intervenus après le cessé le feu et après l'indépendance, cela ne rétablit en rien l'équilibre.


Citations :


  • « Je n’ai rien à cacher. J’ai torturé parce qu’il fallait le faire. Quand on vous amène quelqu’un qui vient de poser vingt bombes qui peuvent exploser d’un moment à l’autre et qu’il ne veut pas parler, il faut employer des moyens exceptionnels pour l’y contraindre. C’est celui qui s’y refuse qui est le criminel car il a sur les mains le sang de dizaines de victimes dont la mort aurait pu être évitée. » Jean-Marie Le Pen dans un entretien accordé au quotidien « Combat », le 9 novembre 1962. Il nuanca ses propos le lendemain 10 novembre dans le quotidien parlant de « méthodes de contraintes » plutôt que de tortures.
  • « J’étais à Alger officier de renseignement, comme tel je dois être aux yeux d’un certain nombre de mes collègues ce qui pourrait être le mélange d’un officier SS et d’un agent de la Gestapo. Ce métier, je l’ai fait... » Retranscription des propos de Jean-Marie Le Pen au journal officiel français du 12 juin 1957.
  • « La France, autrefois, c'était un nom de pays ; prenons garde que ce ne soit, en 1961, le nom d'une névrose. » Jean-Paul Sartre septembre 1961.
  • « Des années 1840 à l'indépendance en 1962, le corps physique de l'"arabe" a donc été utilisé comme un instrument de terreur sur lequel le pouvoir colonial n'a cessé d'inscrire les marques de sa toute puissance. La torture en Algérie et dans l'empire français : une exception limitée aux guerres de libération nationale conduites contre la métropole ? Non, la règle. » Olivier Le Cour Grandmaison.
  • « En réalité, le fond du problème était cette guerre injuste elle-même. À partir du moment où on mène une guerre coloniale, c’est-à-dire une guerre pour soumettre un peuple à sa volonté, on peut édicter toutes les lois que l’on veut, il y aura toujours des dépassements. » Henri Alleg.
  • « D’ailleurs, s’il faut juger, est-ce seulement la torture et ses crimes ou l’engagement de la France dans la guerre et plus largement encore le colonialisme comme système d’oppression ? Cette question n’est pas de l’ordre de la justice : elle est posée, elle reste posée à ceux qui se situent au sommet de la pyramide, aux responsables politiques. » Henri Alleg
  • « Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au Viet Nam une tête coupée et un oeil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. [...] » Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme
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